Simone di Filippo, dit SIMONE DEI CROCIFISSI
(Bologne, documenté dès 1354, mort en 1399)
Balaam [d’une paire avec Isaïe]
Vers 1385 – 1390.
Tempera et or sur panneau – 29 × 21.5 cm chacun.
Bibliographie:
Gianluca del Monaco, Simone di Filippo, detto “dei Crocifissi”. Pittura e devozione nel secondo Trecento bolognese, Padoue, cat. no. 74a-b.
À Bologne, dans la seconde moitié du XIVème siècle, une véritable école vit le jour autour de l’atelier florissant de Vitale degli Equi (doc. 1330-1359). Parmi les artistes de cette période, une place de choix revient à Simone di Filippo, plus connu comme Simone dei Crocifissi, un surnom reçu au moment de la Contre-Réforme en raison de la grande ferveur qui habitait ses œuvres, et en particulier les Crucifixions.
Ces deux prophètes assis, à la stature monumentale, se situent tardivement dans l’œuvre de Simone, dans les années 1380. Les deux personnages, dont le modelé semble dilaté, sont enveloppés dans d’amples robes monochromes de couleurs claires avec lesquelles contrastent les couleurs éclatantes des doublures. Sous les capuchons, qui recouvrent le front et les oreilles, leurs visages, aux longues barbes divisées en deux grandes mèches, ont une expression sévère et renfrognée.
Les deux Prophètes tiennent de grands rouleaux de parchemin, qui nous éclairent sans équivoque sur leur identité. Le premier est le célèbre Isaïe qui montre une prophétie sur la naissance du Christ : « Voici, une vierge concevra et enfantera un fils et on lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is. 7, 14) – Ecce virgo concipiet et pariet / filium et vocabitur nom (en) emmanu / el. Ysayas. Cap(itul)o vii -.
Le second (que nous représentons ici), certainement moins connu, est le devin et nécromancien Balaam. D’après le Livre des Nombres, quatrième livre de l’Ancien Testament, il fut mandé par le roi de Moab, Balak, fils de Tsippor, pour maudire les Israélites qui traversaient son royaume. Balak craignait en effet qu’après leur victoire sur les deux rois Amorrhéens, Séhon et Og, ils ne s’attaquent à lui et réussissent à le vaincre. Il envoya donc des ambassades à Balaam, qui, après quelque résistance, se résolut à les suivre. Parvenu auprès de Balak et conduit sur les hauteurs de Bamoth-Baal, d’où il pouvait apercevoir le campement des Israélites, Balaam prononça devant le roi quatre prophéties, inspirées directement par Dieu et qui, en réalité, se révélèrent être une glorification de la force et de la puissance d’Israël. Le long parchemin que tient le devin nous montre la dernière et la plus célèbre de ses prophéties : « une étoile surgit de Jacob, un sceptre s’élève d’Israël et frappera les chefs de Moab» (Nm. 24, 17) – orietur stel[l]a ex iacob et consur / get virga de israel et percutiet /duces moab. Berlaam. Nu (meriis) – l’étoile et le sceptre étant des allusions claires à la naissance en Israël d’un roi victorieux, c’est à dire le Messie, selon l’exégèse chrétienne.
Accompagnés des prophètes Zacharie et Salomon (de localisation inconnue), Isaïe et Balaam faisaient partie du registre supérieur d’un polyptyque, comme le suggère leur représentation, pensée pour qu’ils soient vu de bas en haut, saisis tandis qu’ils semblent se pencher légèrement en avant pour regarder à la dérobée ce qu’il peut bien y avoir en dessous, dans les registres principaux.
À la vue de ces Prophètes, on constate que le caractère onirique de la peinture de Vitale, qui eut tant d’importance dans la formation de Simone, est dorénavant réfréné par un plasticisme plus accentué et un clair-obscur plus riche et plus dense ; les traits gothiques plus libres du langage de Vitale sont également modérés par une spatialité désormais bien disciplinée.