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Andrea VACCARO
(Naples, 1604-1670)

Saint Laurent.
Vers 1630.

Huile sur toile.
160 x 99 cm.

Le tableau est dans un état de conservation excellent et sa récente restauration permet une lecture exhaustive de ses caractéristiques formelles. Le personnage du saint, debout et portant des habits de diacre, s’appuie sur un gril métallique de grandes dimensions et tient dans sa main droite la palme du martyr. Comme on le sait saint Laurent, né en 225 à Huesca, en Espagne, et martyrisé à Rome le 10 août 258 (l’Eglise catholique fête aujourd’hui encore son nom ce jour-là), fut nommé l’un des sept Diacres de Rome par le pape Sixte II et selon la tradition, pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires du point de vue historique – peut-être pour ses activités caritatives, peut-être pour d’autres motifs – aurait été martyrisé sur le gril.

La préparation épaisse de la toile à trame large, le fond sombre traversé en diagonale d’une grande bande de lumière et le puissant clair-obscur, souvenance encore de la poétique caravagesque, mais aussi les touches vigoureuses de couleur à l’intérieur de schémas graphiques soigneusement agencés (comme le contraste entre la dalmatique rouge et les parties visibles de la tunique blanche) indiquent que ce tableau est napolitain et fut probablement peint entre la troisième et la quatrième décennie du XVIIème siècle. Il faut aussi noter l’expression pathétique du visage du saint, ses yeux tournés vers le ciel comme pour y trouver l’inspiration divine qui lui permette d’affronter le martyre : bien qu’elle provienne d’orientations artistiques absolument indépendantes, il y a là une réflexion sur les œuvres de Guido Reni pendant sa brève période caravagesque.
Il me semble suffisant, pour formuler l’attribution, de comparer ce tableau avec les œuvres de jeunesse d’Andrea Vaccaro. Nous savons par le biographe Bernardo de’Dominici que Vaccaro, influencé par Battistello Caracciolo, « se laissa facilement éblouir […] par la brillante nouvelle manière du Caravage. Andrea se mit donc à copier divers tableaux de cet extraordinaire peintre, et en peu de temps il l’imita si bien que ceux-ci semblaient être non pas des copies, mais des originaux aux yeux des connaisseurs ».
Et nous savons aussi qu’ensuite, sur le conseil de son ami et collègue Massimo Stanzione, Andrea Vaccaro tourna son attention surtout vers Guido Reni.

La production de jeunesse de Vaccaro est peu connue, et ce n’est que récemment que son catalogue s’est étoffé de quelques apports : une copie de la Flagellation du Caravage dans l’église de San Domenico Maggiore à Naples ; le David (Naples, collection privée) ; le David contemplant la tête de Goliath (Florence, Fondazione di Studi Roberto Longhi) ; un autre David (localisation inconnue) ; un Saint Sébastien conduit au martyre (Naples, collection Perrone Capano) et quelques autres œuvres.
Bologna date ces œuvres vers 1625-30 et note en elles « l’empreinte de Battistello ». A ce groupe il faut maintenant ajouter le magnifique pendant représentant Le martyre de Saint Barthélemy et Saint Etienne conduit au martyre (New York, Otto Naumann) dont j’ai moi-même proposé l’attribution à Andrea Vaccaro pour la première fois en 2009.
Or il suffit de comparer la dalmatique de saint Etienne dans le tableau Naumann avec celle de l’œuvre que nous étudions pour comprendre qu’il s’agit du même peintre. Quant à la représentation réaliste et extrêmement calculée de la position sur le gril des mains de saint Laurent soigneusement dessinées, elle rend parfaitement compte des capacités de transcription formelle de l’artiste.

Il faut encore dire quelques mots sur le puissant visage du jeune saint, tourné vers le ciel pour entendre la voix divine avec une expression concentrée et en même temps inspirée. Si, comme on l’a déjà dit, quelque chose des inventions de Guido Reni se retrouve déjà dans la position de la tête et dans le regard, il est vrai aussi que Vaccaro réutilisera ces solutions avec de subtiles variantes dans des œuvres plus tardives comme le Triomphe de David du musée de Genève, où le visage du protagoniste semble provenir du même dessin que celui du Saint Laurent.

En ce qui concerne la date d’exécution de ce tableau, on peut proposer comme hypothèse de la situer vers 1630, proche du pendant mentionné plus haut avec Le martyre de Saint Barthélemy et Saint Etienne conduit au martyre. Le Saint Laurent est donc une des rares œuvres de jeunesse du long et prolifique parcours d’Andrea Vaccaro. Il s’agit d’un ajout important au catalogue du peintre et ses caractéristiques confirment une nouvelle fois le rôle de premier plan qu’eut l’artiste, non seulement dans la peinture napolitaine du XVIIème siècle, mais aussi dans un contexte artistique italien plus large.

Riccardo LATTUADA